Le “Chinois” : pourquoi les Alsaciens donnent-ils ce nom improbable à leur plus gourmande des brioches ?

Dorée, briochée, roulée en spirale et fourrée à la crème ou au chocolat, la brioche appelée "le Chinois" est un incontournable en Alsace. Mais son nom, étonnamment exotique, trouve ses origines bien loin des saveurs asiatiques.

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Une forme en spirale venue des monastères, devenue une douceur populaire en Alsace

Le « Chinois » est une brioche emblématique de l’Est de la France, notamment en Alsace, Moselle et Lorraine. Roulée comme un escargot et généreusement garnie de crème pâtissière, d’amandes ou de chocolat, elle porte traditionnellement le nom de « Schneckekueche » en alsacien, ce qui signifie « gâteau escargot ». Sa forme spiralée rappelle celle du pain aux raisins, tout en se distinguant par une texture plus moelleuse et une garniture plus riche.

Cette gourmandise a vu le jour à la fin du XIXe siècle dans les cuisines monastiques et familiales d’Allemagne, de Suisse et d’Alsace, puis elle a conquis les boulangeries locales. Très vite, elle a été adoptée dans les foyers alsaciens et s’est imposée comme un pilier du patrimoine sucré régional. Ce n’est toutefois qu’après 1950 qu’elle a été surnommée « le Chinois », pour une raison étonnante, issue d’une expression populaire.

Le nom « Chinois » viendrait d’une plaisanterie sur un mot alsacien difficile à prononcer

Selon une anecdote populaire, un apprenti boulanger dans une pâtisserie de Hombourg-Haut aurait eu du mal à prononcer « Schneckenkuchen ». En plaisantant, il aurait lancé : « C’est du chinois ! », une expression française bien connue utilisée lorsqu’on ne comprend pas quelque chose. Amusée, l’équipe aurait alors adopté cette remarque comme nouveau nom pour la brioche. Ce changement la rendait plus facile à mémoriser et à vendre.

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Depuis cet épisode, le terme “Chinois” s’est installé durablement dans le langage courant des boulangeries. Bien que cette histoire ne repose sur aucune preuve formelle, elle paraît plausible. Elle montre avec humour comment une simple difficulté de prononciation peut transformer durablement le nom d’une pâtisserie et s’imposer dans les usages commerciaux.

Le nom viendrait aussi d’un fruit confit chinois utilisé dans une ancienne recette

Une autre explication plus crédible apparaît dans le Dictionnaire universel de cuisine pratique de Joseph Favre (1891). Dans cet ouvrage, une recette de « gâteau chinois » mentionne l’ajout de « chinois bicolores », en réalité des bigarades, petites oranges amères confites issues de Chine. Ces fruits étaient placés au centre de chaque spirale briochée, ce qui permettait d’en souligner l’originalité visuelle et gustative.

Comme ces ingrédients exotiques étaient coûteux, ils ont peu à peu disparu des recettes classiques. Ils ont été remplacés par des garnitures plus accessibles comme les raisins secs, amandes, chocolat ou noisettes. Toutefois, le nom “Chinois” est resté, marquant la trace de cette histoire culinaire singulière transmise de génération en génération.

Une brioche 100 % alsacienne dont le nom trompe mais l’identité reste locale

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Aujourd’hui, le Chinois est omniprésent dans toutes les boulangeries alsaciennes. La version la plus populaire est celle garnie de crème pâtissière, souvent enrichie de pépites de chocolat ou d’éclats de noisettes. Il accompagne volontiers les petits-déjeuners, les goûters ou les desserts familiaux, tout au long de l’année. Cette brioche continue de rassembler autour d’un produit à la fois généreux, accessible et chargé d’histoire.

Même si son nom peut sembler exotique, cette brioche roulée reste un emblème de l’authenticité régionale. Elle incarne la richesse de la culture alsacienne, capable d’adopter des influences tout en conservant son identité. Le Chinois illustre ainsi la façon dont une tradition locale peut traverser les siècles sans jamais perdre de son ancrage ni de son attrait.


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