Un Japonais couronné champion du lièvre à la royale : la France dépossédée de l’un de ses plats les plus sacrés

Le championnat du monde du lièvre à la royale, tenu à Romorantin lors des Journées gastronomiques de Sologne, a connu un énorme coup de tonnerre : un chef japonais l'a remporté haut la main. Le plat, joyau de la cuisine française, a été sublimé par Yoichi Nakaaki, du restaurant "À Table" à Tokyo. Retour sur cette désacralisation délicieuse, ce choc culinaire franco-nippon, et cette victoire qui bouscule les traditions.

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Yoichi Nakaaki, l’outsider venu du Japon qui a conquis les palais français

Il est monté sur scène les yeux humides, presque incrédule. Dans une salle comble, au coeur de la Fabrique Normant, le chef japonais a déjoué tous les pronostics. Face à lui, des talents confirmés : un Canadien, un Belge, et des figures hexagonales bien installées. Et pourtant, c’est bien Yoichi Nakaaki qui a ravi le jury avec sa version maîtrisée et émotive du lièvre à la royale.

Ce plat, on le croit inimitable hors de France. Une sorte de test d’ADN pour chefs gastronomes. Mais Nakaaki n’en est pas à son coup d’essai : troisième au championnat mondial de pâté en croûte en 2021, il était déjà un nom qui circulait dans les coulisses.

Le secret de son triomphe ? Une sauce finement réduite, des saveurs profondes, une chair fondante à l’extrême, et une précision presque chirurgicale dans la présentation.

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« Je veux faire connaître ce plat au Japon« , a-t-il confié, bouleversé. Mission en bonne voie.

Le chef Yoichi Nakaaki dresse soigneusement une assiette devant un jury lors du championnat du monde du lièvre à la royale.
Le chef Yoichi Nakaaki en pleine finale du championnat du monde du lièvre à la royale — Source : Antoine Tamet

Pourquoi cette victoire bouleverse les codes de la gastronomie française

Le lièvre à la royale, c’est plus qu’un plat, c’est un rituel, une référence, presque une relique. Né au XVIIIe siècle, popularisé par des chefs comme André Daguin ou Joël Robuchon, il résume à lui seul le goût français du raffinement et du travail bien fait. Alors, voir un chef étranger triompher sur ce terrain, c’est comme voir un Japonais gagner Roland-Garros en terre battue.

Mais cette « défaite » française est plutôt une victoire de la cuisine sans frontières. Elle montre que la tradition peut voyager, que l’excellence ne parle pas qu’une seule langue. Et que parfois, un regard extérieur peut raviver la flamme d’un monument culinaire. D’ailleurs, la deuxième place revient à Edgar Laymet (restaurant Nomicos, Paris) et la troisième à Ludovic Brethenoux (restaurant Le Malu, près de Vendôme) : la France reste dans la course, mais doit partager le trône.

Les ingrédients du lièvre à la royale, version traditionnelle

Pour ceux qui souhaitent comprendre ce qui fait la complexité de ce plat royal, voici les ingrédients de base (recette inspirée de celle de Joël Robuchon) :

  • 1 lièvre entier, désossé
  • Foie gras de canard cru, environ 200g
  • Garniture aromatique : carottes, oignons, ail, échalotes
  • Vin rouge corsé, type Cahors ou Bordeaux (1 bouteille)
  • Armagnac ou cognac, pour la marinade
  • Sang de lièvre, ingrédient emblématique pour lier la sauce
  • Bouquet garni, poivre noir, sel
  • Farce fine, à base de porc, foie, et parfois truffe noire

Cuisson longue, méticulositeé extrême, respect du produit… C’est une œuvre d’art à chaque étape.

Un plat sacré qui change de mains : et si c’était une chance ?

Le championnat de Romorantin a envoyé un signal clair : la gastronomie française ne se fige pas, elle s’exporte, s’adapte et inspire. Voir un chef japonais couronné pour le lièvre à la royale n’est pas une perte, c’est un hommage.

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Ce plat mythique entre dans une nouvelle ère, plus ouverte, plus universelle, sans rien perdre de son exigence. Et quelque chose me dit que Yoichi Nakaaki n’a pas fini de nous étonner

Source : La Nouvelle République


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